Planche d’un compagnon

De la perpendiculaire au niveau ou un premier bilan de l’immense chemin qu’il me reste à faire.

La perpendiculaire est un outil qui montre la verticale et le niveau un autre outil du maçon qui lui montre l’horizontal. Ce sont deux outils d’orientation qui nous permettent de savoir où nous en sommes et de nous orienter dans l’espace.

Sur le plan symbolique, ils sont associés à élever sans cesse l’amélioration de l’état moral et matériel des individus et de la société entière (perpendiculaire)  et au nivellement des inégalités arbitraires (niveau). Je m’attacherai à ces deux symboles pour faire le point sur ce que j’ai appris, ressenti et compris pendant mon année d’apprentis et ces premiers mois de compagnon.

Ma découverte du symbolisme :

Il taille sa pierre en associant l’esprit critique à une écoute des anciens. En découvrant le symbolisme, je l’ai rapidement comparé aux analogies faites dans le monde profane pour mieux saisir le sens d’une idée, d’un raisonnement. J’y ai vu comme un langage qu’il faut manipuler avec force connaissances et qui nécessite une rigueur d’apprentissage que je n’ai malheureusement pas encore acquise a ce jour.

Le Rituel insiste sur le fait qu’ «ici, tout est symbole». Notre compréhension naturelle des symboles repose sur notre vécu, notre propre histoire. Si j’ai bien compris, les symboles s’interprètent à l’aide de clefs, suivant le niveau de nos connaissances symboliques. C’est un point sur lequel je dois investir du temps par l’apprentissage de mes ainés et par des lectures recommandées. En attendant, elles sont pour moi le reflet d’actes à accomplir pendant les tenues en loge.  Elles sont utiles de mon point de vue au respect des autres, notamment la prise de parole, et permettent de dominer nos émotions par la patience et la réflexion qui en sciences cognitives sont nécessaires pour établir une pensée alternative.

En effet la paresse de notre cerveau et le flux important d’informations qui le sollicite font qu’on réagit dans beaucoup de cas avec des pensées automatiques bien enracinées (des préjuges). Cela simplifie la vie et évite de se fatiguer…

alors qu’une réflexion constructive pour une communication dynamique nécessite une remise en cause permanente de ces automatismes. Je retrouve cela dans le temple et je pense les rituels utiles à ce mécanisme en apportant ce recul nécessaire à la domination de notre nature animale.

J’ai également compris que le but de la Franc-Maçonnerie était de travailler à l’avènement d’un monde plus juste. Pour cela les bonnes intentions et les déclarations ne sont pas suffisantes, il ne suffit pas d’apprendre quelques rites de fraternité pour empêcher les hommes de se faire mutuellement du mal. Ce qui me semble intéressant c’est de se demander pourquoi nous agissons ainsi, d’où viennent ces envies, désirs, passions et pulsions. Pour moi le travail sur la pierre brute signifie le travail sur soi et c’est en premier lieu en nous qu’il faut chercher à comprendre. Mon métier dans le monde profane m’y pousse tous les jours, mais je travaille sur les autres alors qu’ici je travail sur moi.

J’ai aussi compris qu’un maçon dans quelque endroit ou dans quelque circonstance que ce soit, se doit a lui-même de ne pratiquer que la tolérance et de respecter l’intelligence et le talent des autres. J’adhère particulièrement à cette idée que je m’efforcerai toujours de suivre. C’est en effet un énorme travail sur soi- même que de réussir a construire son identité sans haine et sans mépris. J’ai remarqué notamment pendant cette année de silence à l’occasion de discussion que par le seul fait d’écouter, mes critiques et pulsions évoluaient et toujours dans le sens positif de l’ouverture aux idées des autres. J’ai grandi en respect de la différence et compris que l’observation et le silence étaient plus utiles que je le croyais. Et le jour où en tant que Compagnon j’ai pu m’exprimer, cela a été fait avec beaucoup de prudence et de doute. J’avais à la fois le respect des autres et celui des idées déjà émissent sans oublier la joie de participer à la construction des travaux.

J’ai compris à travers une planche et les nombreuses discussions qui en ont suivi que la fraternité est une base du pacte moral sur lequel repose l’Ordre Maçonnique. L’amour du prochain n’y remplace pas encore tous les sentiments qui peuvent diviser les hommes, mais j’y ai trouvé une vraie fraternité et un accueil toujours réel. Je citerai une phrase de Nietzsche que j’aime beaucoup «  J’aime ceux qui savent vivre autrement que pour disparaitre, car ils passent au-delà. Ce qu’il y a de grand dans l’homme, c’est qu’il est un pont et non un but »

Ce qui m’a le plus gêné au début c’est l’acclamation « liberté, égalité, fraternité », elle m’a paru un tantinet déplacée, mais c’est sans aucun doute dû à mon vécu. Elle exprime l’attitude générale que doit adopter tout citoyen dans le monde profane. Mais cette devise n’est pas réellement respectée dans le monde profane. En revanche je crois comprendre qu’elle est un réel idéal maçonnique et j’espère y trouver une application plus vraie et humaine que le déchainement des passions et appétits insatiables, l’assouvissement brutal des égoïsmes et les luttes implacables, violentes et sans merci des hommes dans le monde profane. Cette devise nous rappelle ce que nous devons aux autres et ce qu’ils nous doivent à nous-mêmes. J’ai compris que les Maçons sont égaux entre eux. Nul n’a le droit de se prévaloir de son âge, ancienneté, de son grade ou de son office pour revendiquer des privilèges de quelques manières que ce soit et surtout imposer ses opinions a la collectivité.

Les devoirs du maçon :

En reprenant mon instruction d’apprentis, j’y lis : « L’ignorance et les préjugés, la force et la ruse,  dominent encore les sociétés humaines, masquant les vérités essentielles. Les Temples maçonniques deviennent, par contre, le creuset dans lequel les Hommes et les Femmes de bonne volonté recherchent, par leur travail, la Lumière et la Vérité ».

En relisant cela, je vois bien le lien qu’il y a avec le symbolisme abordé en première partie, ainsi qu’avec le sujet traite : de la perpendiculaire au niveau.

Ce qui m’apparait le plus important pour réaliser ce rêve, on en a déjà parlé, c’est la tolérance. Vis-à-vis de soi-même elle nous enseigne l’humilité de ne jamais croire que nous détenons la vérité, mais de nous efforcer par le travail à sa recherche et à sa construction. Cette tolérance nous la devons aussi aux autres, comment en effet comprendre le cheminement de l’autre si nous avons déjà du mal à interpréter le notre. C’est pourquoi à ce jour, j’essaye toujours et encore d’écouter mon cœur, c’est ce qui m’apparait le moins mauvais et qui me permet parfois après une longue écoute de comprendre un peu mieux les autres.

Mais il me faut écarter l’ivraie du bon grain et apprendre à discerner la Lumière parmi toutes les petites vérités que je crois reconnaitre. Je ne crois, pour ma part, en aucune vérité absolue. La relativité m’apparaissant comme l’essence même de la vie. Les lois scientifiques ne sont-elles pas, elles-mêmes, remises en cause en permanence et évoluent au fur et à mesure des découvertes.

Les réflexions et travaux au sein de la loge laissent produire toutes les opinions et n’en adoptent aucune pour ce que j’ai vu à ce jour, laissant chacun grandir avec sa conscience. Je me sens encore très loin d’un travail fini, pour moi il est à peine commencé. Il est difficile de donner aux mots, aux faits leur sens propre, car ils sont utilisés ou à l’origine de mille et une choses dont j’ignore la provenance. Je m’en tiens aux faits et espère que tout cela va durer et que j’y trouverai ce que je cherche : la paix et la sérénité dans le rapport à l’autre et le vrai travail.